La crise politique italienne de 2021. Mario Draghi à la rescousse ?

Corina Jeler

La « crise » est un mot souvent trop utilisé en politique, mais qui décrit parfaitement le déroulement des évènements de ces dernières semaines au sein du gouvernement italien. En quelques semaines, les italiens ont témoigné de l’effondrement de la coalition principale du gouvernement, de la démission de Matteo Renzi, des négociations ratées et, puis, de l’élection (sans scrutin) d’un nouveau président du Conseil des ministres, le technocrate Mario Draghi. Il serait intéressant de se poser les questions suivantes : comment en est-on arrivé là et que réserve l’avenir pour le nouveau gouvernement dirigé par Mario Draghi ?

L’effondrement de la coalition 

La situation politique en Italie a basculé avec la démission de Matteo Renzi, ancien président du Conseil des ministres (du 22 février 2014 au 12 décembre 2016), leader du nouveau parti Italia Viva. En démissionnant, Renzi a retiré son parti Italia Viva de la coalition dirigée par Giuseppe Conte, ce qui a engendré l’effondrement de la coalition au pouvoir en Italie. Cette coalition de Conte, composée du Parti démocrate (PD, centre-gauche), du Mouvement 5 Étoiles (anti-système) et du petit parti de Renzi, Italia Viva, a perdu sa majorité, après la démission de Renzi. Des négociations non sans difficultés ont été entreprises afin de trouver un accord et de chercher à former une nouvelle coalition au sein du gouvernement, mais sans résultat. « Je n’ai pas constaté une disponibilité unanime pour donner naissance à une majorité » de gouvernement, a déclaré le président de la Chambre des députés, Roberto Fico, à l’issue d’un entretien avec le président Sergio Mattarella, qui l’avait chargé d’évaluer la faisabilité d’un tel scénario.

Pourquoi Matteo Renzi a-t-il démissionné ?

Il est nécessaire d’expliquer les raisons qui ont conduit l’ancien président du Conseil, Matteo Renzi, à précipiter l’effondrement de la coalition. Comme beaucoup de pays du monde, l’Italie a été particulièrement touchée par la crise sanitaire, qui a fait plus de 89 000 morts en Italie et qui a fait chuter le produit intérieur brut de 8,9 % en 2020, selon une estimation officielle publiée par le gouvernement italien. Pour relancer l’économie exsangue, l’Italie table sur un plan de 210 milliards d’euros financé par le plan européen de relance décidé en juillet par l’Union européenne. L’Union européenne compte verser ces aides aux gouvernements nationaux des états-membres, sans pour autant leur imposer quelque chose : chaque gouvernement sera libre de dépenser cet argent à son gré, au profit du pays. Cependant, la manière dont cette énorme somme allait être dépensée, dans le but de remettre l’économie italienne sur les rails, a semé la discorde entre Giuseppe Conte et Matteo Renzi. Renzi souhaitait que les 210 milliards d’euros promis à l’Italie soient orientés vers de nouveaux projets d’infrastructure, ce qui était en contradiction avec la volonté de Conte de désigner un panel d’experts pour surveiller et diriger les dépenses de ces fonds. Après avoir passé des semaines à menacer Conte avec sa démission, Renzi a finalement agi. Sa démission qui, selon beaucoup, découle d’une soif de pouvoir politique, a été largement dénoncée par les députés et par une grande partie de la presse italienne.

La réaction du président Sergio Mattarella

Le président du Conseil des ministres, Giuseppe Conte, a été contraint à la démission le 26 janvier, près de deux semaines après le retrait de sa coalition de l’ex-chef du gouvernement Matteo Renzi et de son parti IV, indispensable pour avoir la majorité parlementaire. Le président Sergio Mattarella a un rôle d’arbitre en cas de crise politique et, donc, il a été chargé d’y trouver une solution. En l’absence d’une prochaine coalition en faveur de Conte, la prochaine option serait de déclencher des élections. Or, ce n’est pas une très bonne idée compte tenu du contexte sanitaire actuel. Par conséquent, le président a convoqué le technocrate Mario Draghi et il lui a confié la tâche de former un nouveau gouvernement. Sergio Mattarella s’est prononcé pour un gouvernement de « haut niveau » à même « d’affronter les graves crises actuelles : sanitaire, sociale, économique », tout en faisant appel à tous les partis politiques pour qu’ils soutiennent ce nouveau gouvernement.

Qui est Mario Draghi ?

Mario Draghi, 73 ans, est l’ancien président de la Banque Centrale Européenne (il a occupé ce poste entre 2011 et 2019) et l’ancien gouverneur de la Banque d’Italie (entre 2006 et 2011). Il est diplômé en économie et titulaire d’un doctorat du Massachusetts Institute of Technology. Draghi est plus que connu dans l’Union européenne : il est réputé d’avoir sauvé l’euro d’une destruction complète pendant la crise de la dette souveraine européenne. A l’époque, Draghi s’est engagé à faire tout ce qu’il fallait pour préserver l’euro, en ajoutant « croyez-moi, ce sera suffisant ». Ces mots à eux seuls sont largement crédités de la duplication immédiate des marchés financiers et de la réduction de la pression sur les pays du sud de l’Europe, les plus touchés par la crise. De nos jours, Mario Draghi jouit encore d’une très bonne réputation en Italie et sa nomination par le président a suscité de nombreuses réactions positives, malgré le fait qu’il n’a pas été élu par les citoyens. Les politiciens, d’un côté, et la presse italienne, d’un autre côté, le considèrent comme une personne extrêmement préparée et capable de sortir l’Italie de la crise, avec le soutien du pays et du Parlement. De plus, Draghi a été très bien accueilli même par les investisseurs, qui voient dans sa nomination un gage de stabilité.

Quel avenir pour l’Italie ?

Draghi, à supposer qu’il soit capable de rassembler une coalition, aura pour tâche de redéfinir le plan de relance de l’Italie, un plan en valeur de 210 milliards d’euros. Il constitue la plus grande somme en termes absolus pour tout état-membre de l’UE. Dans une déclaration, Draghi a souligné que les défis auxquels l’Italie est maintenant confrontée sont considérables : surmonter la pandémie, terminer la campagne de vaccination, offrir des réponses aux défis quotidiens et remettre le pays sur le droit chemin.

Matteo Renzi a déclaré à la BBC que « Draghi est l’italien qui a sauvé l’Europe. Je pense qu’il est maintenant l’européen qui peut sauver l’Italie ».

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